mardi 10 avril 2012

Tante Jo



Un petit bonheur entre la confiture et le saumon fumé, entre la délicatesse d'un oeuf de caille et celle d'une croûte sèche et craquante. l'amuse gueule. Froid et ciel grincheux. Un dimanche à ne pas mettre une mésange sur le bord de la fenêtre, un merle dans la pelouse. Un vent aussi qui s’engouffre en rafale dans la salle de bain. Tante Jo vient passer le lundi de Pâques ici.  De loin en loin, nous nous croisons.


 Il y a des mois que Constant est parti, des mois qu’elle a réorienté sa vie professionnelle. Mais elle a gardé cette belle envie de cuisiner. Il y a de la rudesse parfois dans ses préparations familiales mais il y a de la tendresse souvent dans ses envies amicales. « Je viendrai avec le dessert » avait-elle lancé au téléphone en confirmant sa venue. Et de fait, elle vint avec le dessert mais pas rien qu’avec le dessert. Le dessert était bien ce gâteau léger et mousseux aux fruits rouges entouré de biscuits de Reims. La création du biscuit de Reims, dit la toile, remonte aux années 1690. À cette date, des boulangers champenois soucieux d'utiliser la chaleur de leur four après le défournage, eurent l'idée de créer une pâte spéciale qui, après avoir subi une première cuisson, était laissée dans le four à pain où elle finissait de sécher. D'où le mot « bis-cuit », c'est-à-dire cuit deux fois[]. La recette est inchangée depuis cette date. Il est coutume de tremper le biscuit dans du champagne. Ceci pour le dessert. Mais avant le dessert, il y a eu le reste… Cette pâte à choux farcie de foie gras recouverte d’un glaçage au chocolat noir, servie sur un confit de pommes noyé dans un calvados insolent.

Pour accompagner l’entrée, un rêve doré, un Loupiac 2010. Le vignoble de ce vin liquoreux est situé dans le département de la Gironde en région d’Acquitaine, en face de Sauternes. Ce sont des vignobles de coteaux. Le vin est issu des trois cépages. Le sémillon qui apporte le gras et la force au breuvage. Le sauvignon apportant sa touche aromatique et la muscadelle enfin, qui complète l´assemblage. Une légèreté qui se marie parfaitement en bouche avec les grains de foie gras et le chocolat.

Nous nous sommes attablés vers treize heures pour quitter les assiettes vers dix-neuf heures. L’autre entrée est une petite expédition  traditionnelle qui donne une belle jeunesse à des ravioles fourrées d'olives qu’une petite sauce tomatée et relevée vient couvrir. Un Saint-Amour pour apaiser la soif fraîchement. Je craignais tout des morceaux d’agneau ramenés par le papy du boucher du Froidveau. Le gras qui me semblait bien présent autour de la viande coupée menue a fondu. Mes craintes ont été balayées dès les premières senteurs qui sont sorties de la casserole. Parler des composantes de la sauce, c’est ouvrir la fenêtre sur le monde. Du gingembre, de la cannelle et l'incontournable ras el-hanout. Un peu de riz et la palabre entre chaque bouchée. J’ai oublié de regarder passer le temps et mes douleurs vertébrales se sont estompées. J’ai passé un superbe moment d’abandon à ce qui venait dans nos paroles et nos rires, entre les souvenirs et les projets.




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