Je devrais me souvenir de mon âge tendre. Me souvenir de cette époque où j'avais l'arrogance de tenir tête à mes parents, à Nestor et Dorothée. Pas pour toutes les choses de l'éducation mais pour celles de la table.Ainsi, je détestais les choux de Bruxelles. Pour leur consistance autant que pour leur odeur, mais aussi pour leur présence sur ces tiges raides au milieu du jardin. Nous avions un beau petit jardin-potager à la rue du Nord. Une partie était réservée aux plants de pommes de terre, le reste à tout ce que pouvait faire pousser un généreux chef de famille conscient de son rôle.
Parmi les légumes qui poussaient, il y avait le chou que je détestais mais aussi les carottes, les laitues, les cornichons, les endives, les scaroles, les oignons, les fèves, les haricots, les tomates, les courgettes que j'adorais. Il y a toujours eu, dans ma vie, une place pour ce que j'ai eu envie de faire et une autre, plus petite, pour ce que j'ai renoncé à faire. J'ai renoncé à manger les choux de Bruxelles jusqu'à ce jour, d'il n'y a pas si longtemps, où l'ail a donné du bonheur à ma dégustation.C'est l'accompagnement, l'assaisonnement qui m'ont fait aimer les choux de Bruxelles. Depuis, j'aime faire une fête de la cuisson douce de ces boules de vert. J'aime conduire partout dans le goût et dans les sens, ces petites boulettes d'amour populaire. Il n'y a pas de choux de Bruxelles sans histoire de jardins populaires. Aujourd'hui, à la tombée du jour, nous avons mangé un repas de vieilles gens. De la saucisse et des pommes de terre avec ces petits choux. J'ai coulé mes mains et mes doigts dans la mesure de ces envies. J'ai coulé mes mains et mes doigts dans les légumes du jardin. J'ai coulé mes mains et mes doigts dans la vie.
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