vendredi 2 novembre 2012

Sixties encore...



Dans les années sixties, nous ne savions pas que nous vivions les années sixties. Je partageais mon temps entre la maison familiale et l'école. Je revenais le midi manger à la maison et repartais pour ne rien manquer de l'après-midi scolaire. J'écrivais à la plume trempée dans l'encrier. J'ai appris à m'appliquer pour écrire au fil d'années silencieuses. Je sentais délicieusement bon. Ce que tout le monde me disait. Un parfum délicat et superbe d'une droguerie des quatre bras de Gilly.

Dans les années sixties, nous ne savions pas que nous vivions les années sixties. J'étais première de classe. Très et de loin première de classe. Je me demande aujourd'hui ce que cela signifie d'être première de classe. Sinon faire tout ce qu'il faut pour que des parents soient fiers de vous et des condisciples indulgents.

Dans les années sixties, nous ne savions pas que nous vivions les années sixties. J'ai passé des heures en Angleterre auprès d'une femme catholique qui m'a appris la prudence, la patience, la saveur de la marmelade d'orange et du thé matinal. J'ai ramené de là un quarante-cinq tours des Walker Brothers pour le papy : Johana. Un slow ringard indigne de ses arrogances.

Dans les années sixties, nous ne savions pas que nous vivions les années sixties. J'étais merveilleusement habillée par des jupes austères dessinées, coupées, assemblées par Dorothée et de superbes et délicates parures en pieds de poule. Je dois ceci à la maîtrise d'une couturière qui travaillait discrètement dans une pièce de la petite maison des "Corvées" puis,  à l'étage de la maison de la rue du Nord.

Dans les années sixties, nous ne savions pas que nous vivions les années sixties. Ce vieil amuseur de papy ne savait pas encore qu'on allait l'appeler papy. Il portait des vestes lourdes en poils épais et des chemises à la clo-clo. Il gambadait et dansait. Il pesait septante kilos de moins qu'aujourd'hui. Il était tellement adorable, heureux et naïvement révolutionnaire.

Dans les années sixties, nous ne savions pas que nous vivions les années sixties. Il y a toujours des années sixties dans la vie et la mémoire des autres. Trente ans avant les années sixties et trente ans après. Pendant les années nonante, Je me baignais dans la piscine de Sorinnes, je préparais des petits plats pour ma Caro à l'unif. Je conduisais encore, à grande vitesse, la voiture. Je me faisais draguer par d'insipides jeunots. Je crois que j'aimais ça.

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